Bonne nouvelle pour 484.231 sociétés belges : ce 29 septembre 2014, le Tribunal du Travail de Bruxelles a prononcé un jugement [1] qui confirme l'illégalité de la cotisation à charge des sociétés. Cette illégalité était invoquée depuis plusieurs années par le SDI. Dès que le jugement sera définitif, il devrait faire jurisprudence, ouvrant la possibilité pour toute société belge qui a payé des cotisations à charge des sociétés d’en réclamer le remboursement !
Depuis 1992, toutes les sociétés belges sont tenues de s'affilier à une caisse d'assurances sociales pour indépendants et de payer une cotisation annuelle en vue de financer le statut social des indépendants. Cette cotisation est fonction de la taille de la société concernée. Son montant pour 2014 est de 347,50 EUR ou 868,00 EUR, selon que le total du bilan de la société excède ou pas 646.787,86 EUR.
En 2013, pas moins de 484.231 sociétés ont été redevables de cette cotisation, laquelle est particulièrement mal perçue par les indépendants et patrons de PME qui trouvent son caractère forfaitaire injuste et son fondement incompréhensible.
Ces dernières années, des recours ont donc été introduits contre la cotisation à charge des sociétés, à la suite desquels la Cour Constitutionnelle a jugé en 2010 et 2011 [2] que celle-ci devait en réalité être considérée, non pas comme une cotisation "de sécurité sociale", mais comme un impôt, en raison du fait qu'elle n’ouvre le droit à aucune prestation sociale pour les sociétés concernées. En effet, une société n'a pas d'enfants, ne tombe pas malade et ne prend pas sa pension.
L’arrêt de la Cour Constitutionnelle de 2011 avait été obtenu suite à une question posée par le Tribunal du Travail de Bruxelles dans le cadre d’une procédure d’opposition introduite par Me Jean-Pierre Migeal, du cabinet d'avocats MERITIUS, en faveur d'un de ses clients en litige avec l’INASTI.
L’affaire devait donc revenir devant le Tribunal du travail, appelé à tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle. Entretemps, dans l'attente de ce jugement, le SDI conseille depuis l'été 2013 aux sociétés belges d'interrompre la prescription par l'envoi d'une lettre recommandée à leur caisse d'assurances sociales et à l'administration fiscale [3].
Ce 29 septembre 2014, le Tribunal du Travail de Bruxelles s'est enfin prononcé. Vu que la cotisation à charge des sociétés doit être considérée comme un impôt, le Tribunal a mis en cause son mode de perception, qui ne répond pas aux prescriptions fiscales précises et rigoureuses en la matière.
Le Tribunal du Travail a donc jugé que l’opposition au paiement de la cotisation à charge des sociétés était fondée et a condamné l’INASTI au paiement de tous les frais et dépens de la procédure !
Ce jugement n'est pas encore coulé en force de chose jugée, un appel de l'INASTI étant possible. Il constitue cependant une consécration importante de la position défendue par le SDI dans son combat contre une cotisation indûment réclamée depuis 1992 par l’Etat fédéral.
Que faire aujourd'hui ?
En espérant que le jugement du 29 septembre devienne définitif par l'écoulement du délai d'appel et fasse ainsi jurisprudence, le SDI conseille aux sociétés belges d'adresser une mise en demeure à leur caisse d’assurances sociales ainsi qu’à l’administration fiscale pour obtenir le remboursement des montants indûment payés à titre de cotisation à charge des sociétés.
Le SDI a mis au point un modèle de courrier en ce sens en faveur de ses membres.
Si l'INASTI devait interjeter appel du jugement du 29 septembre, ces mises en demeure constitueront des lettres interruptives de prescription dans l'attente d'une décision définitive !
Quel délai de prescription ?
Le débat sur la prescription n'est pas clos.
Selon les avocats consultés par le SDI, s'agissant du remboursement d’un impôt inédit, le délai de prescription applicable est le délai de droit commun prévu à l’article 2262 bis du Code civil, soit 10 ans.
Quoi qu'il en soit, le SDI prodigue le conseil aux sociétés belges d'adresser un courrier à leur caisse d’assurances sociales ainsi qu’à l’administration fiscale pour obtenir le remboursement de tous les montants qu'elles ont payés à titre de cotisation à charge des sociétés depuis 10 ans !
Le SDI invite enfin notre futur le gouvernement fédéral à revoir d'urgence le principe et les modalités de la cotisation à charge des sociétés qui, dans sa version actuelle, ne tient pas la route juridiquement.
En quoi la cotisation à charge des sociétés est-elle illégale ?
Le SDI considère que la cotisation à charge des sociétés pose problème pour au moins six raisons :
1. Elle viole le principe d'annualité de l'impôt
Le principe d'annualité de l'impôt est prévu par l'article 171 de la Constitution qui stipule : "Les impôts au profit de l'Etat, de la Communauté et de la Région sont votés annuellement. Les règles qui les établissent n'ont de force que pour un an, si elles ne sont renouvelées".
Ce texte n'implique pas que le Parlement doive revoter chaque année toutes les lois fiscales, mais il faut chaque année qu'il autorise le Roi à lever l'impôt. C'est ce qu'on appelle la "loi de finance".
N'ayant pas jusqu'ici été considérée comme un impôt, la cotisation à charge des sociétés n'est forcément jamais entrée dans le champ d'application des lois de finances successives. Conséquence : elle n'est légalement pas exigible !
2. Elle n’a jamais été enrôlée
Une dette d'impôt ne peut juridiquement naître que moyennant un enrôlement. Selon la Cour Constitutionnelle, la cotisation à charge des sociétés doit être considérée comme un impôt, ce qui implique que seul un enrôlement aurait pu l'officialiser.
Pour cette raison également, elle n'est pas exigible !
3. Les caisses d'assurances sociales ne sont pas compétentes pour la percevoir
A partir du moment où la cotisation à charge des sociétés doit être considérée comme un impôt, son recouvrement aurait dû être confié à un receveur, seul organe légalement établi par l’Etat pour percevoir les impôts.
L'article 59 de l'AR du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l'Etat dispose que "la perception des deniers de l'Etat ne peut être effectuée que par un comptable du Trésor et en vertu d'un titre légalement établi."
Ni la Caisse nationale auxiliaire de l'INASTI, ni les Caisses d'assurances sociales ne sont habilitées à prélever des impôts. Elles ne sont pas des "comptables du Trésor". Ce sont des ASBL. Elles ne sont pas soumises aux contraintes, garanties et contrôles qui pèsent sur les receveurs. En outre, leur objet social ne les autorise pas à procéder au recouvrement d'un impôt.
4. Pour tous les exercices jusqu'en 2012, elle était inconstitutionnelle
Toutes les cotisations à charge des sociétés jusqu'en 2012 sont atteintes d'un vice d'anti-constitutionnalité car les modalités d'exemption ont été fixées par Arrêté royal. Or, selon l'article 172 de la Constitution, en matière d'impôt, seule une loi peut prévoir des catégories d'exemptions.
Un arrêt de la Cour de Cassation stipule que les dispositions d'un règlement-taxe "forment un ensemble qui ne peut être divisé puisqu'elles se rapportent à une taxe illégalement établie en sorte que le vice d'inconstitutionnalité qui affecte le critère d'exemption rend nul l'acte entier" (Cass. 16 novembre 2006, RG F050072F).
La loi du 29 mars 2012 a corrigé le problème, mais pour toutes les cotisations jusqu'en 2012, il y a inconstitutionnalité.
5. Son affectation n'est pas légale
Comme toute cotisation sociale, la cotisation à charge des sociétés constitue une "recette d’affectation". Payée à l'Institut National d’Assurances Sociales pour Travailleurs Indépendants (INASTI), elle est destinée à financer des dépenses au profit exclusif des indépendants. A partir du moment où elle a été disqualifiée en impôt par la Cour constitutionnelle, elle devrait cependant obligatoirement couvrir les dépenses générales de l’Etat.
C'est donc de manière illégale qu'aujourd'hui, les sommes perçues sont affectées au statut social des indépendants. Une loi est obligatoire pour pouvoir affecter un impôt à une destination particulière.
6. Elle viole le droit européen
La Directive communautaire 69/335/CEE du Conseil du 17 juillet 1969, modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil du 10 juin 1985, prévoit la suppression des impôts indirects autres que le droit d'apport. En vertu de cette directive, tout impôt sanctionnant la constitution de sociétés est interdit, mis à part certaines dérogations limitatives, dont la cotisation à charge des sociétés ne fait pas partie.
La conséquence de cette interdiction, c'est que la cotisation à charge des sociétés est un impôt prohibé par le droit européen. Or, en cas de procédure, les tribunaux belges sont tenus de refuser d'appliquer une législation nationale qui serait contraire à une norme supérieure de droit communautaire…
[1] Trav. Bxl, 29 septembre 2014, RG n° 09/12.058/A – 09/12.059/A
[2] Cour Constitutionnelle, Arrêts n° 142/2010 du 16 décembre 2010 et n° 103/2011 du 16 juin 2011
[3] Voir : http://www.sdi.be/nouvelles/illegalite-possible-de-la-cotisation-charge-des-societes-le-sdi-conseille-vivement-aux-soc
Le Syndicat des Indépendants & des PME (SDI) met en doute la légalité de la cotisation à charge des sociétés. Face à la perspective de voir cette cotisation prochainement sanctionnée par les tribunaux, le SDI conseille vivement aux sociétés d'interrompre la prescription par l'envoi d'une lettre recommandée à leur caisse d'assurances sociales et à l'administration fiscale. Le SDI invite par ailleurs le gouvernement fédéral à revoir d'urgence le principe et les modalités de la cotisation à charge des sociétés qui, dans sa version actuelle, ne tient pas la route juridiquement.
Depuis 1992, toutes les sociétés belges sont tenues de s'affilier à une caisse d'assurances sociales pour indépendants et de payer une cotisation annuelle en vue de financer le statut social des indépendants. Cette cotisation est fonction de la taille de la société concernée. Son montant pour 2013 est de 347,50 EUR ou 868,00 EUR. Quelque 477.479 sociétés ont été redevables de cette cotisation en 2012.
La possible illégalité de la cotisation à charge des sociétés découle des arrêts de la Cour Constitutionnelle n° 142/2010 du 16 décembre 2010 et n° 103/2011 du 16 juin 2011, qui ont jugé définitivement que la cotisation annuelle à charge des sociétés devait être considérée comme un impôt et non comme une cotisation de sécurité sociale.
En effet, elle ne fait naître aucun droit complémentaire à la sécurité sociale dans le chef du redevable.
Si l’on chiffre l’étendue du problème et en restant très modeste, les montants des cotisations payées indûment par les sociétés depuis 1992 peuvent réellement donner le vertige. Pour l’année 2012, la recette de l’INASTI pour le secteur "cotisations sociétés" s’élève à 201.522 millions EUR.
Ayant été disqualifiée en impôt, la validité de la cotisation à charge des sociétés pose problème pour au moins 6 raisons :
1. Elle viole le principe d'annualité de l'impôt
Le principe d'annualité de l'impôt est prévu par l'article 171 de la Constitution qui stipule : "Les impôts au profit de l'Etat, de la Communauté et de la Région sont votés annuellement. Les règles qui les établissent n'ont de force que pour un an, si elles ne sont renouvelées".
Ce texte n'implique pas que le Parlement doive revoter chaque année toutes les lois fiscales, mais il faut chaque année qu'il autorise le Roi à lever l'impôt. C'est ce qu'on appelle la "loi de finance".
N'ayant pas jusqu'ici été considérée comme un impôt, la cotisation à charge des sociétés n'est forcément jamais entrée dans le champ d'application des lois de finances successives. Conséquence : elle n'est légalement pas exigible !
2. Elle n’a jamais été enrôlée
Une dette d'impôt ne peut juridiquement naître que moyennant un enrôlement. Selon la Cour Constitutionnelle, la cotisation à charge des sociétés doit être considérée comme un impôt ce qui implique que seul un enrôlement aurait pu l'officialiser. Pour cette raison également, elle n'est pas exigible !
3. Les caisses d'assurances sociales ne sont pas compétentes pour la percevoir
A partir du moment où la cotisation à charge des sociétés doit être considérée comme un impôt, son recouvrement aurait dû être confié à un receveur, seul organe légalement établi par l’Etat pour percevoir les impôts.
L'article 59 de l'AR du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l'Etat dispose que "la perception des deniers de l'Etat ne peut être effectuée que par un comptable du Trésor et en vertu d'un titre légalement établi."
Ni la Caisse nationale auxiliaire de l'INASTI, ni les Caisses d'assurances sociales ne sont habilitées à prélever des impôts. Elles ne sont pas des "comptables du Trésor". Ce sont des ASBL. Elles ne sont pas soumises aux contraintes, garanties et contrôles qui pèsent sur les receveurs. En outre, leur objet social ne les autorise pas à procéder au recouvrement d'un impôt.
4. Pour tous les exercices jusqu'en 2012, elle était inconstitutionnelle
Toutes les cotisations à charge des sociétés jusqu'en 2012 sont atteintes d'un vice d'anti-constitutionnalité car les modalités d'exemption étaient fixées par Arrêté royal. Or, selon l'article 172 de la Constitution, en matière d'impôt, seule une loi peut prévoir des catégories d'exemptions.
Un arrêt de la Cour de Cassation stipule que les dispositions d'un règlement-taxe "forment un ensemble qui ne peut être divisé puisqu'elles se rapportent à une taxe illégalement établie en sorte que le vice d'inconstitutionnalité qui affecte le critère d'exemption rend nul l'acte entier" (Cass. 16 novembre 2006, RG F050072F).
La loi du 29 mars 2012 a corrigé le problème, mais pour toutes les cotisations jusqu'en 2012, il y a inconstitutionnalité.
5. Son affectation n'est pas légale
Comme toute cotisation sociale, la cotisation à charge des sociétés constitue une "recette d’affectation". Payée à l'Institut National d’Assurances Sociales pour Travailleurs Indépendants (INASTI), elle est destinée à financer des dépenses au profit exclusif des indépendants. A partir du moment où elle a été disqualifiée en impôt par la Cour constitutionnelle, elle devrait cependant obligatoirement couvrir les dépenses générales de l’Etat.
C'est donc de manière illégale qu'aujourd'hui, les sommes perçues sont affectées au statut social des indépendants. Une loi est obligatoire pour pouvoir affecter un impôt à une destination particulière.
6. Elle viole le droit européen
La Directive communautaire 69/335/CEE du Conseil du 17 juillet 1969, modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil du 10 juin 1985, prévoit la suppression des impôts indirects autres que le droit d'apport. En vertu de cette directive, tout impôt sanctionnant la constitution de sociétés est interdit, mis à part certaines dérogations limitatives, dont la cotisation à charge des sociétés ne fait pas partie.
La conséquence de cette interdiction, c'est que la cotisation à charge des sociétés est un impôt prohibé par le droit européen. Or, en cas de procédure, les tribunaux belges sont tenus de refuser d'appliquer une législation nationale qui serait contraire à une norme supérieure de droit communautaire…
Quel délai de prescription ?
Le débat sur la prescription n'est pas clos. Tout dépendra de la décision judiciaire qui pourrait intervenir.
En matière de cotisations sociales, l’action en répétition de l’indû se prescrit par 5 ans, sauf interruption par l’envoi d’une lettre recommandée dans le délai de 5 ans, à répéter le cas échéant tant que l’incertitude demeure.
Interrompre la prescription de la cotisation à charge des sociétés remet les compteurs à zéro et fait bénéficier son auteur d’un nouveau délai pour en obtenir peut-être un jour le remboursement, soit un nouveau terme de cinq ans à supposer bien entendu que la législation sociale soit applicable étant donné que la cotisation est dorénavant un impôt. Et rien n’est moins sûr !..
En effet, vu la requalification de la cotisation en un impôt, il nous paraît parfaitement plaidable que ce soient les délais de prescription fiscaux qui soient d’application à une demande de remboursement. Or, ce délai de prescription fiscal, s'agissant du remboursement d’un impôt inédit, est le délai de droit commun prévu à l’article 2262 bis du Code civil, soit 30 ans, ce qui a été confirmé au SDI par Me Olivier Willez, avocat fiscaliste au bureau Dkw-law.
Comme on le voit, cela laisse pas mal de latitude aux redevables concernés !
Si l'illégalité de la cotisation à charge des sociétés devait être confirmée par les tribunaux, le délai fiscal de 30 ans précité permettrait aux sociétés de réclamer rétroactivement le remboursement des montants payés depuis son instauration ... en 1992 !
Quoi qu'il en soit, le SDI continue donc à prodiguer le conseil aux sociétés belges d'adresser un courrier à leurs caisses d’assurances sociales ainsi qu’à l’administration fiscale pour interrompre la prescription dans l'hypothèse où l'illégalité de la cotisation devrait être confirmée par les tribunaux.
Un modèle de courrier en ce sens peut être demandé par e-mail au SDI via l'adresse : jean-francois.dondelet@sdi.be.
La lettre de mise en demeure que le SDI préconise aux sociétés d'envoyer n’a bien évidemment pas pour objectif d’obtenir le remboursement immédiat de la cotisation, mais bien de figer les droits à titre conservatoire dans l’attente d’une éventuelle annulation de la cotisation par une juridiction belge.
Interrompre la prescription correspond donc au comportement d’un bon père de famille qui entend préserver ses droits, dans l’éventualité où les arguments développés par les services du SDI seraient suivis.
A noter, pour être totalement complet, que l'avocat et Professeur Marc Dassesse (ULB) estime lui aussi que si la Cour de Justice de l'Union Européenne devait confirmer l'illégalité de la cotisation à charge des sociétés par rapport au droit européen, les sociétés concernées pourraient réclamer rétroactivement le remboursement des montants qu'elles ont payés depuis 1992 !
Le SDI précise enfin que la cotisation à charge des sociétés est particulièrement mal perçue par les indépendants et patrons de PME qui trouvent son caractère forfaitaire injuste et son fondement incompréhensible. En effet, une telle cotisation n’a, a priori, pas de sens, puisqu'en s'en acquittant, la société ne s'ouvre le droit à aucune prestation sociale !
Le SDI invite le gouvernement fédéral à revoir d'urgence le principe et les modalités de la cotisation à charge des sociétés qui, dans sa version actuelle, ne tient pas la route juridiquement.