Ajout d’un point à l’ordre du jour du conseil communal chapellois
du lundi 14 décembre 2015
proposé par les conseillers communaux
Jean‑Marie BOURGEOIS (Ensemble - CDH),
Maryline BOUSSINGAULT (Ensemble - CDH),
Giuseppe DI FRANCO (Ensemble - CDH),
Jacques STAUMONT (Ensemble - MR),
Robert WATHELET (Ecolo)
et Bruno VANHEMELRYCK (AC - FDF)
MOTION COMMUNALE VISANT A L’INSTAURATION D’UNE EXCEPTION AGRICOLE
Projet de résolution «Prendre les engagements idoines et entamer les démarches requises afin d’instaurer une exception agricole»
Le Conseil communal, siégeant publiquement:
Considérant que l’agriculture est essentielle pour garantir l’autonomie alimentaire et le droit à l’alimentation;
Considérant que la conjoncture actuelle est marquée par des prix trop bas pour les producteurs et par un contexte de pénurie de la demande liée aussi à des facteurs politiques et géopolitiques au niveau international;
Considérant que le secteur agricole se caractérise par la forte volatilité du prix de ses produits et qu’il relève d’un modèle économique spécifique qui ne peut être laissé aux seules lois du marché;
Considérant le rôle majeur de l’agriculture dans l’identité culturelle, la gestion des territoires, la préservation de l’environnement et des écosystèmes et la préservation du patrimoine alimentaire;
Considérant l’importance de la sécurité alimentaire pour la pleine réalisation des droits de l’homme et des libertés fondamentales proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans d’autres instruments universellement reconnus;
Considérant que les produits agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres et qu’il convient de les protéger, au même titre que les biens culturels, en prévoyant un régime juridique adapté avec des règles partiellement dérogatoires aux principes qui gouvernent le libre-échange;
Considérant que l’agriculture et l’alimentation prennent des formes multiples car elles sont le résultat de leur origine géographique et des conditions climatiques et qu’elles sont étroitement liées à la culture, l’identité et l’histoire de nos sociétés;
Considérant la nécessité de prendre des mesures pour protéger et promouvoir ce pluralisme agricole de façon adéquate;
Considérant que le Rapport des Nations Unies sur «le droit à l’alimentation, facteur de changement» estime le droit à l’alimentation comme «un droit de toute personne, seule ou en communauté avec d’autres, d’avoir physiquement et économiquement accès à tout moment à une nourriture suffisante, adéquate et culturellement acceptable, qui soit produite et consommée de façon durable, afin de préserver l’accès des générations futures à la nourriture»;
Considérant que la culture bénéficie d’une protection forte au niveau international grâce notamment à l’adoption par l’UNESCO en 2005 de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles;
Considérant que, dans les conclusions de son Rapport de 2008, Mission auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce, le Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation, constate que les mécanismes de la gouvernance mondiale ont jusqu’à présent échoué à assurer une coordination adéquate entre les obligations en matière de droits de l’homme et les engagements commerciaux;
Considérant également que ce rapport invite les Etats à évaluer les impacts des accords commerciaux sur le droit à l’alimentation et à s’assurer qu’ils ne prennent pas des engagements dans le cadre de l’OMC qui pourraient se révéler incompatibles avec leurs obligations au regard du droit à l’alimentation;
Considérant que la Convention sur la diversité biologique signée à Rio en 1992 et le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture signé sous l’auspice de la FAO et entré en vigueur à l’été 2004 protègent un aspect particulier de la diversité des pratiques et des produits agricoles, à savoir la diversité biologique agricole;
Considérant que, selon la FAO, les trois quarts environ de la diversité génétique agricole ont disparu au cours du siècle dernier à cause du développement d’un modèle agricole industriel et commercial;
Considère l’importance d’encourager le développement de pratiques agricoles durables, respectueuses des hommes et de leur environnement;
Vu les articles L1122‑13, L1122‑17, L1122‑19, L1122‑20, L1122‑24, L1122‑26, L1122‑27, L1122‑30, L1133-1 et L1133-2 du Code [wallon] de la démocratie locale et de la décentralisation;
Par …. voix contre ….,
DECIDE:
- de s’engager à apporter son soutien aux producteurs locaux, situés sur le territoire de la commune ou à proximité de celui-ci et à privilégier chaque fois que c’est possible les produits locaux dans les achats de la commune ou des institutions qui y sont liées;
- de s’engager à favoriser les circuits courts entre les producteurs locaux et la consommation locale, en particulier en organisant la distribution et le recours aux produits agricoles locaux dans les cantines communales, scolaires, au sein des maisons de repos, des crèches et de tout autre lieu collectif approprié et de sensibiliser les opérateurs de repas au recours à ceux-ci;
- de s’engager à soutenir la consommation de produits locaux dans le cadre des habitudes alimentaires au sein des écoles, notamment par le soutien au programme européen «lait à l’école»;
- de s’engager à encourager la consommation de produits locaux et de saison ainsi qu’à favoriser la formation à l’utilisation de ceux-ci des cuisiniers au sein de l’administration communale, des écoles, des crèches, des maisons de repos et de tout autre lieu d’utilité publique situé sur le territoire de la commune;
- de demander au Collège communal de présenter annuellement un rapport au Conseil communal sur les actions entreprises pour soutenir les produits agricoles locaux;
- de demander au Gouvernement régional:
- d’apporter son soutien aux agriculteurs locaux et à la consommation de produits agricoles locaux, en particulier par le soutien aux circuits courts;
- de soutenir la consommation de produits locaux et de saison dans les institutions liées à l’autorité régionale;
- de soutenir la formation des cuisiniers à l’utilisation des produits locaux;
- de lutter contre la spéculation foncière sur les terres agricoles,
- de favoriser l’accès à la terre pour le développement des activités agricoles, en particulier pour les jeunes générations;
- de demander au Gouvernement régional et au Gouvernement fédéral de:
- défendre le principe de «l’exception agricole» auprès du Conseil européen dans les traités internationaux conclus par l’Union européenne et de prévoir la possibilité de restrictions au commerce international de produits agricoles, en promouvant le droit des Etats et des communautés d’Etat de définir une politique alimentaire et agricole propre susceptible d’assurer la sécurité alimentaire de leur population, de préserver leurs modèles agricoles et d’atteindre leurs objectifs de développement humain;
- défendre auprès du Conseil européen un engagement fort en faveur de l’agriculture visant à l’émergence d’un nouveau modèle agricole axé sur la responsabilité, le bien-être et la durabilité;
- d’appeler les Gouvernements régional et fédéral ainsi que la Commission, le Conseil et le Parlement européens à:
- considérer le droit à l’alimentation comme un droit de chaque être humain et l’agriculture comme un des fondements de notre société. Elle n’est pas un secteur économique comme un autre dès lors qu’elle est la source des aliments essentiels à la vie et la santé des personnes et qu’elle participe aux fondements culturels des sociétés humaines. En ce sens, elle doit être protégée afin de garantir la sécurité alimentaire des générations présentes et futures;
- reconnaître la pluralité des pratiques agricoles et des traditions alimentaires. Cette diversité doit être protégée pour permettre aux diverses formes d’agriculture de coexister et contribuer ainsi à la sécurité alimentaire et à la valorisation du patrimoine naturel et du savoir-faire humain, fruit du travail de multiples générations. Le libre accès aux semences doit être promu afin d’accroître la diversité génétique;
- mettre en place des mesures spécifiques pour soutenir la production agricole et alimentaire locale, saine, respectueuse de l’environnement et réalisée dans des conditions qui garantissent le respect des conditions de travail et l’octroi d’une rémunération juste des travailleurs de la terre;
- assurer la mise en place de mécanismes de régulation spécifiques pour protéger les marchés domestiques de la volatilité des prix sur les marchés internationaux. Cela exige également l’adoption de critères favorables à la production locale dans les marchés publics. En particulier, en amont dans les critères d’attribution d’un marché public, des critères liés à la proximité géographique doivent être pris en compte. Plusieurs éléments peuvent être utilisés dans ce cadre : l’impact environnemental, la fraîcheur des produits, l’impact sur l’économie locale…;
- favoriser le respect des droits humains, et également d’harmoniser les conditions de production agricole au niveau sanitaire, environnemental et social au sein d’un même marché, ainsi que l’application de conditions de contrôles similaires. Lorsqu’une telle harmonisation n’est pas possible, l’application de droits de douane modulés selon l’avantage compétitif induit doit être prévue;
- adopter une Convention relative à la promotion et à la protection des pratiques et des produits agricoles axée sur le principe de «l’exception agricole», afin de permettre à l’alimentation et à l’agriculture de bénéficier d’un accord-cadre distinct de ceux de l’Organisation Mondiale du Commerce et d’une protection accrue au même titre que celle prévue pour les biens et services culturels sous l’égide de l’UNESCO.